Plongeons ensemble dans les profondeurs méconnues des réseaux d’eaux usées de nos municipalités et de nos installations sanitaires qui sont souvent encombrés et endommagés par des détritus qui ne devraient pas s’y retrouver.
Explorerons les solutions et les actions que chacun(e) de nous peut entreprendre pour assurer un avenir durable à nos infrastructures et à notre environnement.
C’est quoi les eaux usées? (Retour au sommaire)
Ce sont l’ensemble de toutes les eaux altérées par l’activité humaine qui peuvent contaminer les milieux dans lesquels elles sont déversées par des polluants physiques, biologiques ou chimiques. Concentrons-nous sur les eaux usées domestiques (de l’intérieur de nos habitations) qui proviennent principalement des salles de bain (des toilettes, éviers, bains, douches et machines à laver) ainsi que des cuisines (des éviers et lave-vaisselle).
On y retrouve des matières organiques et en suspension, des nutriments, des milliards de micro-organismes et des produits chimiques comme des détergents, des graisses, des solvants, des médicaments.
La problématique des déchets jetés aux égouts (Retour au sommaire)
Dans un monde idéal, nous devrions uniquement retrouver des excréments humains solides et liquides ainsi que du papier de toilette (ce dernier étant conçu pour se dissoudre dans l’eau).
Cependant, l’erreur trop souvent commise est de croire que les eaux usées peuvent servir à l’élimination de beaucoup de nos déchets domestiques, alors que c’est faux! Ces matières résiduelles indésirables ont des impacts extrêmement néfastes sur nos infrastructures et notre environnement :
L’accumulation et les obstructions détériorent les canalisations et entraînent l’usure prématurée de composantes des stations de pompage et d’épuration impactant ainsi leur durabilité et leur fréquence d’entretien.
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Les déchets obstruant les égouts peuvent provoquer des débordements lors de fortes pluies ou de chutes de neige. Les inondations résultantes endommagent nos routes, nos bâtiments et nos infrastructures souterraines.
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Coûts pour les municipalités
L’entretien et les réparations accrues des réseaux d’égout et des systèmes de traitement représentent des coûts considérables pour les municipalités ce qui finit généralement par entraîner une hausse des taxes municipales.
En 2020 [1], les administrations municipales, locales et régionales ont consacré 15,4% de leurs dépenses totales en infrastructures pour les eaux usées. Les investissements ont dépassé les 4,2 milliards de dollars en 2020 pour les infrastructures des eaux usées. Marquant ainsi une augmentation de près de la moitié (49,7%) par rapport à 2016. Ce taux de croissance est supérieur à celui des dépenses pour les infrastructures d’approvisionnement en eau et de distribution.
Vue aérienne d’une station de traitement des eaux
Impact sur l’environnement
Les eaux usées contaminées atteignent nos ruisseaux, nos lacs, nos rivières, notre fleuve, menaçant la faune et la flore. Les produits chimiques, les métaux lourds et les microplastiques issus des déchets ont des conséquences néfastes sur nos écosystèmes et parfois même sur notre santé. [2]
5 pictogrammes du Système d’information
sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT)
Traitement des eaux usées (Retour au sommaire)
État des lieux sur les infrastructures d’eaux usées au Canada
En 2021, chaque jour au Québec[3], le traitement des eaux usées a permis de traiter un peu plus de 5 millions de mètres cubes d’eaux usées, ce qui équivaut à un volume d’eau légèrement supérieur à celui de 1 333 piscines olympiques (50m x 25m x 3m).
Au Canada [4], la presque totalité des eaux usées subit un traitement avant d’être rejetée.
On peut résumer les procédés de traitement des eaux usées de la façon suivante :
- Traitement primaire : utilisation de processus physiques et/ou chimiques pour éliminer une partie des solides en suspension et des matières organiques;
- Traitement secondaire : élimination des matières organiques biodégradables et des solides en suspension par le biais de processus biologiques et de décantation secondaire;
- Traitement tertiaire : élimination de substances préoccupantes spécifiques (solides en suspension résiduels, nutriments et/ou contaminants) après un traitement secondaire au moyen d’un certain nombre de procédés physiques, chimiques ou biologiques;
- Sans traitement: aucun processus de traitement n’est employé, ou seulement du dessablage et/ou du tamisage est utilisé.
Pour en savoir plus sur les systèmes d’assainissement des eaux usées des municipalités du Canada, il suffit de consulter la carte interactive dont le lien est juste ci-dessous et de localiser sa municipalité, puis de cliquer sur un des points de couleur pour accéder aux détails de traitement des eaux usées pour l’infrastructure choisie.
Au Québec en 2020 [5], les rejets d’eaux usées municipales en pourcentage selon la catégorie de traitement sont de 48,7% de traitement primaire, de 43% de traitement secondaire et de 7,7% de traitement tertiaire. Les eaux usées sans traitement pour cette année-là sont à 0%.
Rejets d’eaux usées municipales selon la catégorie de traitement – 2020
Note : DEU : débordements d’égouts unitaires.
Sources : Statistique Canada -Tableaux 38-10-0124-01 et 38-10-0100-01
En 2020, le volume total d’eaux usées non traitées par les systèmes municipaux d’épuration au Canada représentait environ 3,7% (219 millions de mètres cubes) de toutes les eaux usées collectées et rejetées au pays.
Bien que présentement de la recherche et du développement se fassent pour améliorer la situation, la majorité des systèmes d’épuration municipaux sont incapables de traiter efficacement tous les nutriments (phosphate, azote, etc.) et les composés chimiques présents dans les eaux usées. Ces limites entraînent des impacts néfastes sur l’environnement et la santé tel que déjà mentionné précédemment.
Néanmoins, dans la MRC du Kamouraska [6], certaines municipalités sont proactives et participent à un projet pilote visant l’amélioration de la gestion des eaux usées et l’adhésion des petites municipalités aux communautés de pratique du Réseau Environnement. Il est réalisé par l’Organisme de bassins versants de Kamouraska, L’Islet et Rivière-du-Loup (OBAKIR) en partenariat avec Co-éco.
Nous pouvons classer les déchets indésirables selon trois (3) grandes catégories :
- Les bloquants : Ils s’agglutinent ensemble, s’entortillent à d’autres matériaux et causent des bouchons.
Nous avons notamment en tête les fameux « fatbergs » (fusion des mots fat [gras en anglais] et iceberg), ces amoncellements de gras qui peuvent peser jusqu’à plusieurs tonnes et qui sont principalement constitués de débris et déchets non biodégradables comme les lingettes humides désinfectantes! [7]
Image : générée par DALL-E 3
- Les liants ou agglomérants : Ils encrassent les parois des tuyaux et des conduites ainsi que collent et lient divers matériaux ensemble causant des blocages et des bris.
- Les nuisibles à la santé ou à l’environnement : Leurs composés chimiques sont difficiles à bien traiter par les systèmes d’épuration et sont en grande partie rejetés dans la nature.
Par catégorie, voici les déchets retrouvés[8] dans les systèmes d’égouts et de traitement des eaux usées qui causent des problèmes et qui ne devraient pas s’y trouver :
Gestes simples et bonnes pratiques pour gérer sainement nos eaux usées (Retour au sommaire)
Maintenant, voyons dans les grandes lignes comment on peut assainir nos eaux usées à la source en évitant d’utiliser nos toilettes comme des poubelles et ainsi protéger notre environnement et nos infrastructures sanitaires.[8] (D’autres gestes simples et des solutions de remplacement supplémentaires sont aussi disponibles dans la section « Documentation » de notre site Web.)
CHEVEUX ET SOIE DENTAIRE
Problématique : La soie dentaire et les cheveux, une fois passés dans le réseau d’égouts, s’entremêlent et forment des amas qui obstruent les grilles de filtration des stations de traitement des eaux usées, empêchant leur bon fonctionnement.
Solution : Jetons nos cheveux et soies dentaires dans la poubelle. Lors du rasage, récoltons les poils et mettez-les au compost plutôt que dans le drain. Nous pouvons également utiliser un filtre dans le drain de la douche ou du bain.
DÉCHETS DE TABLE ET HUILES
Problématique : Les restants d’huile à friture ou de cuisson (bacon) et les restes de nourriture peuvent contenir des graisses qui laisseront des résidus dans les canalisations, les encrasseront et empêcheront l’évacuation adéquate.
Solution : Nous devrions jeter les restants de table dans notre bac brun ou à compost. Les résidus liquides en petite quantité peuvent être essuyés avec du papier essuie-tout, puis jetés au bac brun. Les restants d’huile de cuisson et de friture, quant à eux, doivent être versés dans un contenant, puis déposés à l’écocentre le plus proche, où ils seront recyclés.
DÉCHETS SOLIDES
Problématique : Les canalisations d’égouts et les stations de traitement des eaux usées ne sont pas conçues pour recevoir d’autres déchets que le papier de toilette. Tous les autres déchets peuvent endommager le réseau de traitement des eaux usées, en bloquant les pompes ou les mécanismes de dégrilleurs (filtres).
Solution : Jetons plutôt nos déchets dans la poubelle. La toilette ne devrait jamais être utilisée pour se débarrasser de nos déchets.
MÉDICAMENTS
Problématique : Les antibiotiques et les perturbateurs endocriniens, entre autres, qui composent certains médicaments sont des contaminants difficilement éliminables lors du traitement des eaux usées. Lorsque ceux-ci se retrouvent dans l’environnement, ils peuvent être ingérés par les espèces aquatiques. Les contaminants se retrouvent donc ainsi dans la chaîne alimentaire.
Solution : Nous pouvons rapporter nos médicaments périmés à notre pharmacie où on sait comment s’en débarrasser de la bonne façon.
PRODUITS DE RÉNOVATION ET DE BRICOLAGE
Problématique : Les peintures, solvants, vernis, colles, décapants, antigels, produits pour piscine, huiles usagées, filtres et autres contiennent des résidus domestiques dangereux (RDD) pour la santé et l’environnement.
Solution : Tous les produits sur lesquels nous voyons un ou plusieurs de ces logos de danger doivent être déposés, dans leur emballage ou contenant d’origine, à l’écocentre où ils pourront être recyclés.
PRODUITS MÉNAGERS
Problématique : Plusieurs produits ménagers courants contiennent des résidus domestiques dangereux (RDD) pour la santé et l’environnement.
Solution : Lorsque nous achetons des produits ménagers, privilégions des produits biodégradables ou encore ceux sur lesquels nous ne trouverons pas un de ces logos de danger. On peut aussi rechercher l’une de ces certifications écologiques ci-dessous.
Agissons pour un avenir plus propre ! (Retour au sommaire)
Finalement, pour un apprentissage ludique des mesures concrètes pour protéger, utiliser et gérer l’eau et les milieux aquatiques de façon responsable, intégrée et durable, il est recommandé de visiter le site Web de la campagne « Pensez bleu » afin de tester nos connaissances avec quelques quiz amusants.
Ensemble, nous pouvons préserver notre région pour les générations futures. Agissons aujourd’hui pour un avenir où nos eaux seront plus pures, nos infrastructures plus solides et notre environnement plus sain !
SOURCES :
[1] Statistique Canada : « Dénicher les données sur les infrastructures d’eaux pluviales et d’eaux usées au Canada : un travail aux multiples ramifications », novembre 2022
[2] Ministère de l’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) : « Pollution issues des eaux usées, section : Les effets des rejets de polluants dans les écosystèmes et sur la santé humaines », avril 2014
[3] Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) du Québec : page i du « Bilan de performance des ouvrages municipaux d’assainissement des eaux usées pour l’année 2021 », avril 2023
[4] Ministère de l’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) : page 6 de « Traitement des eaux usées municipales : Indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement », août 2023
[5] Statistique Canada : « Systèmes de traitement des eaux usées municipales au Canada, 2018 à 2020 », mai 2023
[6] L’Organisme de bassins versants de Kamouraska, L’Islet et Rivière-du-Loup (OBAKIR), communiqué de presse : « Pour une gestion performante et responsable des eaux usées », mai 2024
[7] Journal Le Droit, article : « Des intrus dans les eaux usées » de Benoit Sabourin, mars 2023
[8] L’Organisme des bassins versants de la Haute-Côte-Nord (OBVHCN) : « Comment réduire l’impact de nos eaux usées sur l’environnement et les systèmes de traitement », juin 2020
Chronique «Les temps changent… pas que le climat !» réalisée par Co-éco, en partenariat avec les MRC de Kamouraska, de Rivière-du-Loup et des Basques.